Qu’a dit le père de la Polémologie sur la périodicité des guerres

Gaston Bouthoul est le père de la Polémologie ou sociologie des guerres.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale il a fait des études importantes sur le sujet qui font autorité en France, même si les modes et courants de pensée ont fait fleurir de nombreuses autres écoles que la polémologie ailleurs qu’en France.

Avant de commencer mes recherches dans les années 1970, j’ai lu le traité de Polémologie, considéré à l’époque comme la référence sur ces sujets.

Mes recherches n’avaient pas pour but de trouver un cycle des guerres, et je ne me souviens pas avoir été marqué par cette partie du traité de Polémologie, puisque c’est presque accidentellement que cette recherche a débouché sur le « Cycle des Guerres ».

Ayant relu en 2010 le Traité de Polémologie[1], j’ai constaté que Gaston Bouthoul considérait une telle démarche de périodicité des guerres comme légitime.

Il en parle à deux endroits :

1 – Dans la première partie « Introduction et Méthodes », lorsqu’il esquisse « les traits principaux d’une méthodologie de la guerre au chapitre 2

2 – Dans la neuvième Partie (sur dix au total) du Traité de Polémologie, totalement consacrée à la périodicité des guerres.

Extrait de la partie méthodologie du Traité de Polémologie

« ..la présence de la guerre dans tous les types de civilisations connus, le fait qu’elle est inséparable des mentalités et des institutions les plus diverses, et surtout son analogie avec certaines fonctions biologiques, pose la question de sa périodicité. Périodicité que nous pouvons considérer comme admissible, bien qu’elle ne soit nullement certaine a priori….

Une analogie mérite cependant d’être signalée : c’est celle de la guerre avec les crises économiques. Elles présentent toutes deux le même aspect d’irruption brusque à partir d’un pont de rupture nettement défini et identifiable. Toutes deux se définissent immédiatement par leur caractère destructeur ou, tout au moins, frénateur : arrêt des processus d’accumulation, résorption ou destruction des capitaux et de stocks, arrêt des processus d’accumulation, résorption ou destruction de capitaux et de stocks, arrêt ou ralentissement de la production des hommes et des choses ; ce premier processus étant suivi d’une lente convalescence ramenant à un nouvel équilibre.

Cette analogie est de nature à confirmer l’hypothèse d’une certaine périodicité des guerres. Celles des crises sont aussi fort élastique puisque l’intervalle classique entre elles varie en moyenne entre sept et onze ans, soit à peu près du simple au double…. »

Il faut donc retenir qu’une telle périodicité des guerres lui paraît probable et qu’elle se situe, a priori entre 7 et onze ans.

Partie Périodicité des guerres du Traité de Polémologie

Dans cette partie, Gaston Bouthoul indique plusieurs choses

1 – les limitations de la recherche d’un d’homme seul :
«  …Peut-être les guerres présentent-elles une analogie de plus avec les crises économiques. Les analyses faites de celles-ci par un grand nombre d’auteurs, échelonnées sur près d’un siècle, concordent à considérer que les crises économiques ne procèdent pas d’une cause unique mais sont les résultantes de facteurs concomitants. Il en est de même des guerres.

Pour avoir une idée plus nette de cette périodicité et de ses causes, ou plus exactement de ses facteurs, il faudrait revenir minutieusement sur chacun d’eux et se livrer à la fois à des analyses et des observations destinées à montrer le rôle que chacun d’eux joue dans cette périodicité. Mais ces recherches excèdent les possibilités d’un chercheur seul … »

2 – Il a semblé à Gaston Bouthoul que les rythmes des guerres pouvaient être ceux de l’oubli, c’est-à-dire d’une génération (30 ans) ainsi que d’une grande guerre tous les 100 ans.

Il n’est pas parti d’une analyse précise des guerres, mais d’une possible explication pour essayer de trouver une périodicité sur laquelle il reconnaît qu’il n’avait pas le temps matériel de faire une analyse complète. Il n’a donc pas trouvé de périodicité confirmée par une analyse, mais posé quelques hypothèses, illustrées par quelques exemples qui ne pouvaient être une démonstration, laissant à d’autres chercheurs à venir le soin de faire une analyse détaillée pour trouver la ou les périodicités des guerres.

3 – Pour Gaston Bouthoul, la périodicité des guerres doit être étudiée à partir du moment où éclatent les guerres.

« .. lorsque l’on veut déterminer le rythme des guerres, il convient de se placer non pas à la fin du conflit mais au contraire au moment précis où il éclate….

Peu importe si la période de destruction consécutive dure quelques mois ou des années. Ce qui est à considérer, c’est le moment du déclenchement qui marque le retournement de la conjoncture  ….. C’est donc ce point de fracture qui constitue le phénomène marquant et que nous prendrons systématiquement en considération dans les recherches sur la périodicité des conflits. … »

Conclusion sur la Périodicité des guerres dans le traité de Polémologie et le « Cycle des Guerres »

  • La périodicité des guerres est une hypothèse légitime d’après Gaston Bouthoul
  • Le « Cycle des Guerres » s’est appuyé sur la date de déclenchement des guerres, comme le recommande Gaston Bouthoul, ce qui légitime aussi la méthodologie qui a été retenue
  • Gaston Bouthoul a envisagé la périodicité économique de 7 à 11 ans (la périodicité du “Cycle des Guerres” est de 8 ans et demi), ainsi que des périodicités de 30 ans et 100 ans.

L’auteur que je suis reconnaît ne pas se souvenir avoir appliqué, consciemment, les recommandations de Gaston Bouthoul bien qu’ayant lu le traité de Polémologie dans les années 1970.

Au vu de ce qui est écrit dans le traité de Polémologie, la recherche ayant abouti au « Cycle des Guerres » est cohérente avec la démarche méthodologique de la périodicité des guerres dans le Traité de Polémologie. Le « Cycle des Guerres » est une confirmation éclatante des hypothèses de Gaston Bouthoul dont le traité de polémologie mérite encore d’être consulté.

Pour ceux qui voudraient avoir un peu plus d’informations, il est recommandé de lire le « Traité de Polémologie » qui reste riche en pistes autres que la « Périodicité des guerres ».

Le « Cycle des Guerres » n’a jamais eu la prétention de ramener toute la polémologie à une périodicité des guerres mais de démontrer une périodicité des guerres, dans le cadre d’un phénomène clairement identifié comme un facteur favorisant les guerres, sans prétendre en être la seule cause.

Gaston Bouthoul aurait certainement apprécié à sa juste valeur ce travail. Le « Cycle des Guerres» est la confirmation tardive des intuitions de Gaston Bouthoul, démontrant la périodicité des guerres qu’il considérait comme une hypothèse légitime »[2].

Gaston Bouthoul pensait qu’une telle recherche de périodicité excéderait les possibilités d’un chercheur seul. Sur ce point il semble s’être trompé puisque j’ai pu y parvenir seul, mais c’est par hasard que cette périodicité a été trouvée et non en cherchant systématiquement une périodicité des guerres. La « Théorie du Retour » dont les fondements remontent à 1988 n’était pas initialement tournée vers les guerres. C’est en appliquant la  « Théorie du Retour » et en accumulant des exemples qu’il est apparu qu’il y avait un « Cycle des Guerres », initialement dénommé “Cycle du Retour” par le lien de sa découverte avec la “Théorie du Retour”. Par contre, ce sont les dates de déclenchement des guerres qui ont été utilisées en 2001 pour aboutir à la mesure des 3085 jours de la Théorie du Retour, à partir d’une étude « statistique » en prenant les guerres majeures du 20° siècle.

Tout ceci montre que Gaston Bouthoul a ouvert de nombreuses pistes pertinentes à son époque dont certaines se trouvent simplement confirmées plus d’un demi-siècle plus tard.

[1] Traité de polémologie de Gaston Bouthoul aux éditions Payot « Bibliothèque scientifique Payot », édition 1991, suivant la mise à jour de 1970

[2] Les représentants actuels de la Polémologie (espèce en voie de disparition) ne se reconnaissent pas dans cette analyse, mais je ne revendique aucune légitimité dans les études polémologiques, et je ne souhaite pas alimenter des querelles inutiles sur ce sujet.