Cessez-le-feu

Cessez-le-feu et contrôle.

L’essentiel du texte qui suit a été écrit au printemps  1996. Il a été simplement modifié d’une façon neutre pour ne pas inclure des détails propres au contexte d’origine. Il avait été transmis aux autorités françaises de l’époque qui “semblent” l’avoir utilisé pour instaurer un cessez-le-feu au Sud Liban. Cela n’a pas été démenti mais n’a pas été confirmé. C’est tout le problème des expérimentations où les intermédiaires oublient, voire démentent, les idées à l’origine de ce qui a été fait surtout lorsque cela a marché. Le texte peut paraître court mais il contient l’essentiel. S’il y a des points obscurs, n’hésitez pas à faire préciser l’un ou l’autre point en utilisant le formulaire de contact. Globalement ces idées sont “opérationnellement démontrées et démontrables pour ceux qui veulent bien en prendre connaissance et tenter une nouvelle expérimentation”.

Les cessez-le-feu peuvent être unilatéraux, bilatéraux, accompagnés ou non de mesures concrètes.

Leur application et leur respect dépendent d’une série de facteurs multiples. Les guerres civiles donnent souvent lieu à des cessez-le-feu à répétitions.

Au-delà des négociations qui supposent qu’il y ait un cadre acceptable à un début de règlement, même s’il demeure flou, le premier facteur à prendre en compte est le temps de transmission de l’ordre de cessez-le-feu sur le terrain. Si un cessez-le-feu est annoncé avec application immédiate, le plus généralement il ne sera jamais appliqué, sauf si c’est un cessez-le-feu unilatéral d’une composante militaire partie au conflit, et si cette composante est assez patiente pour admettre des bavures pendant quelque temps.

Il y a donc un décalage nécessaire entre l’annonce du cessez-le-feu et l’heure d’application effective. Ce décalage est d’autant plus grand que des composantes au conflit sont décomposées, multiples, non structurées, sans hiérarchie cohérente et unique. Un décalage de 12 heures peut être nécessaire. Au-delà, c’est qu’il y a d’autres problèmes.

Documents préalables  à un cessez-le-feu? Ce n’est pas le fait de signer solennellement un document de cessez-le-feu qui le fait mieux respecter. Et quand une composante au conflit est une composante qui ne devrait pas officiellement exister, exemple une milice, il est parfaitement maladroit de consacrer cette milice en faisant signer un document officiel qui consacre définitivement son rôle.

Ce n’est généralement pas le document préalable au cessez-le-feu qui le fait tenir, mais le dispositif qui l’accompagne.

Quand il s’agit de deux Etats militairement structurés, une simple négociation au plus haut niveau peut suffire, même sans dispositif de contrôle de cessez-le-feu, à condition toutefois que l’ordre soit correctement retransmis dans la hiérarchie militaire et qu’il soit convenu que pendant un certain temps, il n’y ait pas de réponse aux bavures.

Quand il s’agit d’un ensemble de groupements plus ou moins contrôlés sans véritable hiérarchie ou aux moyens de communication mal définis, un dispositif de contrôle est  nécessaire .

Il existe des dispositifs relativement simples qui peuvent être mis en place à condition de s’en donner la peine. Ces dispositifs permettent de pallier l’insuffisance de la hiérarchie.

Ce qui suit est la description d’un tel dispositif. Il demande 100 à 200 volontaires, non armés. Un ou plusieurs PC opérationnels suivant l’importance de la zone à couvrir, une trentaine de véhicules si possibles tout terrain et une cinquantaine de postes radio.

Pour que cela marche, il faut aussi avoir sous la main une série de chefs locaux, autant que de tendances, et acceptant de mettre en œuvre un cessez-le-feu.

Ces mouvements déstructurés sont généralement coupés de leur hiérarchie. Ce système permet de la remplacer, si nécessaire.

Le principe est que sur place est dépêchée une patrouille non armée ( 2 à 3 personnes par véhicules, en laissant toujours une place pour pouvoir amener un responsable local si nécessaire). Si la patrouille n’arrive pas à convaincre directement les combattants, elle appelle le PC opérationnel. Un des chefs locaux, à proximité du PC opérationnel répète les ordres donnés par la patrouille. Si c’est insuffisant, une autre patrouille arrive avec le chef local qui redit la même chose. Le but est que progressivement les mouvements locaux arrivent à obéir directement aux ordres des patrouilles sans déplacer localement l’un des chefs …. ce qui finira par donner l’impression aux militants que ces patrouilles représentent en fait leur autorité.

Les PC opérationnels doivent fonctionner 24h/24h. Chaque PC opérationnel doit être autonome pour couvrir une zone qui lui permette d’être sur place en peu de temps et faire circuler continuellement quelques patrouilles pour vérifier la situation. Chaque PC a donc aussi un contact direct radio ( ou un contact direct) avec les différents “chefs locaux”, mais en s’arrangeant que les fréquences attribuées ne leur permettent pas d’inonder directement tout le monde. Chaque PC doit avoir le contact avec quelques responsables locaux qui paraissent influents et dévoués.

Les PC sont ensuite hiérarchisés, pour éventuellement organiser les patrouilles entre zones si nécessaire.

Cela peut paraître symbolique, mais même si un tel système cafouillait au départ, il finirait par s’imposer s’il était correctement dimensionné et organisé.

Exemple période 2014-2016   

Sur la période 2014-2016, vous avez un cas typique d’un dispositif de contrôle du cessez-le-feu inadapté à la situation : l’Ukraine et le SMM de l’OSCE. Ce système marcherait entre 2 armées parfaitement disciplinées. Il ne marchera jamais sous sa forme actuelle pour aboutir à un cessez-le-feu permanent et respecté en Ukraine. Pourquoi ?

  • D’un côté comme de l’autre il y a des éléments incontrôlés. Il y en a moins du côté de l’armée ukrainienne ( principalement les bataillons de volontaires) mais nous sommes dans un état de troupes plus ou moins déstructurées. La conséquence est qu’un ordre donné au plus haut niveau, d’un côté comme de l’autre, ne sera jamais totalement respecté. Tout ce que fait l’OSCE est toujours de s’appuyer sur les interlocuteurs de plus haut niveau sans jamais avoir le moindre système capable de suivre la mise en œuvre des ordres, à tous niveaux.
  • les observateurs de l’OSCE sont en mode passif: ils observent, retransmettent leurs observations mais rien n’indique que ces observations soient réellement utilisées dans les heures qui suivent: si elles sont exploitées 48 heure plus tard, cela ne sert pas à grand chose. Entre un incident et une flambée généralisée il peut n’y avoir que quelques heures. AUCUN INCIDENT CONSTATE sur le terrain N’EST EXPLOITE en moins de quelques heures pour limiter son expansion. Tout le système de communication interne et externe est à revoir. Imaginez qu’un pompier attende 24 heures entre le moment où on l’appelle et le moment où il va sur place ? C’est ce qui se passe au sein de l’OSCE. Et tout le monde se congratule de l’importance des acteurs sur le terrain ?
    Un audit  serait nécessaire.
  • L’ensemble des observateurs de l’OSCE semblent être organisés sous un mode hiérarchique unique comme si c’était un seul secteur: pas d’interaction directe entre les observateurs et les acteurs locaux dans un rayon de 10 kms
  • Aucun système local ne s’assure que la hiérarchie locale respecte le cessez-le-feu. Au moindre problème, ils remontent au niveau de plus haut qui ne semble pas vraiment contrôler ce qui se passe sur le terrain
  • Visiblement l’OSCE a un système d’observation standard qui peut marcher dans certains cas mais pas dans le cas présent en Ukraine.

Le jour où quelqu’un aura simplement compris cette page à l’OSCE, il y aura peut-être un espoir qu’ils définissent et mettent en place un système adapté à la situation. En Février 2016, cela reste un vœu pieux. Quelques compléments propres au contexte ukrainien doivent être  ajoutés pour une expérimentation.

08/02/2016: en octobre 2014 a été créé le JCCC Joint Centre for Control and Coordination entre la Russie et l’Ukraine. Ce centre ne dépend pas de l’OSCE et apparaît concurrent du SMM de l’OSCE, ce qui explique probablement leurs mauvaises coordinations. Son organisation a permis de masquer partiellement l’inadaptation de la SMM des observateurs OSCE par une plus grande présence terrain et des contacts directs entre les composantes militaires des deux parties. Suite à la dégradation constatée début Février, il faudrait vérifier ce qui fonctionne encore dans le JCCC: le SMM poussera à sa disparition,  ce qui devrait se traduire par des flambées de violence plus importantes. Une piste serait de remplacer dans le Donbass les observateurs SMM et JCCC par un organisme intégré que nous pourrions appeler JMCM (Joint Monitoring and Coordination Mission) spécifique à la zone de guerre du Donbass sans changer le fonctionnement du SMM pour le reste de l’Ukraine (quel que soit leur fonctionnement en dehors du Donbass, cela n’a aucune conséquence sur le cessez-le-feu). Les observateurs de la SMM seraient probablement mieux acceptés par les parties en conflit si ils étaient accompagnés par des coordinateurs militaires de chaque camp. Mais il semblerait que ce soit un point de blocage (mal placé) au sein de l’OSCE. À suivre