Quelle démonstration crédible ?

Ne tournons pas autour du pot: aujourd’hui la démonstration ne parait pas crédible. Pourquoi ?

De nombreux arguments sont mis en avant : ils sont présentés comme définitifs sans même laisser un espace pour répondre et écouter la réponse. Ces arguments sont révélateurs d’un malentendu et de la difficulté du sujet. Cela ressemble à un dialogue de sourds où chacun se rassure de ses arguments qu’il pense démonstration.

Dans tous les cas, il faut converger pour aboutir à des arguments qui constituent pour tous une démonstration non ambiguë  du phénomène. Les hypothèses de l’auteur doivent être vérifiables par d’autres que l’auteur pour devenir crédibles.

Aujourd’hui, chacun s’invente une démonstration qui relève plutôt de la caricature que de la démonstration. Le résultat est que la démonstration ne paraît pas crédible, parce que les hypothèses de l’auteur ne sont pas comprises, vérifiées et reconnues de façon indiscutable.

Parmi ces arguments :

Les guerres ne sont pas cycliques:

Je ne veux pas démontrer que les guerres sont cycliques mais qu’il y a un phénomène cyclique qui amplifie les violences et peut, dans certaines circonstances, provoquer des guerres.

De plus pour expliquer que dans certains cas il y a  une guerre et dans d’autres il n’y en a pas, il a fallu réinventer une “explication du déclenchement des guerres avec le cycle du retour”

Le fait de commencer par demander d’identifier les dates de déclenchement de guerre renforce ce malentendu, les interlocuteurs pensant que je veux démontrer la cyclicité absolue des guerres. Ce n’est pas ce que je veux démontrer.  Ce phénomène périodique n’est qu’une cause parmi d’autres.

En France, la sociologie des guerres a fait l’objet d’études par Gastron Bouthoul. Il a écrit un Traité de Polémologie en 1951. la périodicité des guerres a été considérée par Gaston Bouthoul comme admissible, en prenant comme événement pour le démontrer le déclenchement des guerres. Gaston Bouthoul estimait qu’elle devrait être entre 7 et 11 ans.

Alors pourquoi affirmer à tue tête qu’une telle périodicité est impossible et que les guerres sont aléatoires ?

Parce que vous ne connaissez pas vos classiques ? Parce que vous êtes étrangers et que vos auteurs de référence n’ont pas pris connaissance de ces travaux sur la Polémologie ?

C’est typiquement un élément présenté en argumentation qui ne repose sur rien d’autre que l’ignorance des interlocuteurs qui l’affirment, sans savoir ce qui a été dit et supposé par les seules éminences qui auraient pu avoir un avis pertinent aujourd’hui. Gaston Bouthoul est mort. Si on parle encore de Polémologie, la polémologie reste orpheline et je ne saurais prétendre à succéder au travail colossal de Gaston Bouthoul.

Les conflits sont permanents :

Bien sûr, des conflits il y en a toujours. D’ailleurs un cœur qui bat peut être considéré comme un conflit qui fait vivre. Un moteur à explosion aussi. Mais un conflit ne devient pas forcément une guerre. En général, public et historiens s’accordent sur date de déclenchement d’une guerre, et ce sont ces dates qui vont être reprises. Les guerres ne sont pas permanentes, même s’il y en a toujours une en cours. Dans une région donnée, il n’y a pas toujours de guerre. De temps en temps, oui. Et c’est ce de temps en temps qui est un peu plus régulier qu’on voudrait bien le croire. Pas complétement aléatoire, mais pas complètement déterministe.

Les théories cycliques mélangent tous les types d’événement:

C’est  très vrai, ce qui rend ces théories non crédibles. Par exemple, quelqu’un m’a un jour expliqué une théorie qu’il démontrait en prenant des événements sans rapport: la naissance d’un homme célèbre, la mort d’un autre, la date d’une grande découverte, puis le déclenchement d’une guerre, etc, etc… En mélangeant tous les types d’événements on peut démontrer n’importe quoi, avec n’importe quelle périodicité. Les théories cycliques ont mauvaise réputation parce que leurs auteurs mélangent des événements différents pour démontrer à tout prix leur théorie.

Dans le cas présent, la démonstration s’appuie d’abord sur les dates de déclenchement des guerres. Il y a des “données chiffrées” montrant l’écart par rapport au pic d’amplification. Ceci devrait rendre la démonstration plus crédible. Si d’autres événements sont évoqués c’est pour information uniquement.

Les guerres sont aléatoires:

Est-ce un argument ou une affirmation tant que l’inverse n’est pas démontré ?

Il y a des guerres ailleurs que durant les périodes attendues:

C’est exact. La démonstration se veut statistique. Démontrer que 90% des guerres Majeures sont en 50% du temps est le mieux qui pourrait être démontré. Cela ne montre pas un fatalisme et un déterminisme, mais un phénomène périodique favorisant les guerres à certaines périodes. Si j’essaie de vous démontrer que 80% des balles sont dans une cible, les 20% qui n’y sont pas ne changent rien au fait que la majorité sont bien dans la cible.  Un point en dehors ne signifie pas qu’il n’y a pas de phénomène périodique, mais simplement que ce n’est pas un phénomène absolu. D’autres facteurs que ce phénomène périodique entrent en jeu pour déclencher une guerre. Nous sommes dans les sciences humaines, donc partiellement inexactes et donc statistiques. Il n’est possible que de déterminer une probabilité de guerre à certaines périodes. Elle n’est jamais à 0% ni à 100%. Elle peut être probable. La sûreté de fonctionnement d’un système s’analyse uniquement avec des probabilités qui sont l’instrument de travail  de ceux qui veulent rendre le monde plus sûr.

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