Blocage N°1: Minsk 2 et le contrôle de la frontière russo-ukrainienne


Les accords de Minsk de Février 2015, dits Minsk 2 , prévoient que l’Ukraine peut déployer l’armée ukrainienne le long de la frontière après la tenue des élections dans les territoires séparatistes.

Ce point est l’un des points de blocage actuel. Les autorités ukrainiennes l’ont modifié unilatéralement et déclarent que les élections ne pourront avoir lieu qu’après le déploiement de l’armée ukrainienne le long de la frontière russo-ukrainienne ainsi que le désarmement des milices.

Pourquoi est-il important de contrôler la frontière russo-ukrainienne ? Parce qu’il sera quasi impossible de désarmer le Donbass sans contrôler la frontière. Ce ne sont pas 2 malheureux postes SMM, sans pouvoir d’inspection dans les camions qui passent, qui contrôleront quoi que ce soit. Ces 2 points d’observation relèvent de la farce médiatique. Ce n’est pas non plus la confiance dans la Russie qui permettrait de s’en assurer. Ils nous disent ce qu’ils ont l’habitude de dire à leur population. Pour eux la vérité, c’est ce que les media racontent, mais ce n’est pas la vérité, que ce soit pour le traitement de leurs opposants ou leur présence militaire directe ou indirecte ( à travers une aide massive en équipements militaires) dans les pays proches comme l’Ukraine.

Si les observateurs SMM étaient un peu moins passifs et se transformaient en inspecteurs fiables et efficaces, il serait peut-être possible de commencer un sérieux désarmement, mais pour le moment, cela semble un vœu pieux.

Y a-t-il pour l’Ukraine un moyen de contrôler la frontière russo-ukrainienne sans modifier les accords de Minsk 2 sur ce point ?

Oui mais il faut être suffisamment retord et politicien pour le tenter.

Commençons par prendre un peu de recul et imaginer ce que sera le Donbass séparatiste dans la paix retrouvée:

  • L’armée ukrainienne sera déployée sur une bande de 10 à 15 kms le long de la frontière russo-ukrainienne
  • La zone de sécurité entourant la ligne de contact actuelle sera gérée par des forces de sécurité créées spécialement à partir de combattants séparatistes et de combattants ukrainiens. Le commandement de ces forces de sécurité sera international pendant quelques années. Cette zone est et restera sensible. Si elle était contrôlée par l’armée ukrainienne, cela empêcherait tout désarmement de l’armement lourd des séparatistes. Si les combattants séparatistes restent sur place, cela empêchera le retrait de l’armée ukrainienne et le maintien de l’armée ukrainienne empêchera le désarmement. On tournera en rond, jusqu’à ce qu’une solution de sécurité satisfaisante englobant l’ensemble de la zone de sécurité soit trouvée. C’est la confiance dans ce dispositif de sécurité qui permettra d’avancer
  • Les forces de sécurité locales seront sous l’autorité des autorités locales élues. Attention, qui dit force de sécurité locale exclut tout armement lourd d’une armée ( artillerie, chars, mitrailleuses lourdes, orgues de staline …)
  • Les anciens combattants auront retrouvé une activité: soit au sein de l’armée ukrainienne, soit au sein des forces de sécurité locales, soit en reprenant une activité civile

Cela peut paraitre surprenant aujourd’hui, mais il y aura des combattants qui seront intégrés dans l’armée ukrainienne. C’est ceux-là qui m’intéressent.

S’il y avait redéploiement d’unités combattantes le long de la frontière russo-ukrainienne, sous commandement distant ou local de l’armée ukrainienne, l’Ukraine contrôlerait complètement la frontière russo-ukrainienne dès cet instant et avant que les élections aient lieu. Et ceci en strict respect des accords de Minsk 2.

Est-ce un scénario réaliste? Oui mais uniquement avec les unités combattantes de Luhansk. Elles sont globalement bien entrainées et disciplinées. Probablement une bonne partie d’anciens militaires qui savent au fond d’eux-mêmes qu’une solution définitive passera par leur réincorporation.

On ne pourra pas les réincorporer en leur donnant une mission au Donbass, mais en leur donnant la mission de contrôler la frontière russo-ukrainienne, cela doit être possible.

De telles négociations n’ont pas à passer par le TCG. C’est une affaire directe entre l’armée ukrainienne, les combattants et l’administration ukrainienne. Il faudra un suivi extérieur des combattants réincorporés dans l’armée ukrainienne pour s’assurer qu’ils sont correctement traités.

Du côté ukrainien, il faut simplement commencer par le feu vert du président ukrainien pour ce scénario et laisser ensuite l’armée ukrainienne négocier avec chaque combattant sa réincorporation dans l’armée ukrainienne. L’affectation sera une zone de 10 à 15 kms le long de la frontière russo-ukrainienne.

Il y a beaucoup de points à régler:

  • les salaires seront versés en monnaie ukrainienne à partir d’agences bancaires ukrainiennes réinstallées dans le Donbass ( cela tombe bien : une autre clause des accords de Minsk2 prévoyaient ce redéploiement d’agences),
  • Il faudra signer un contrat entre l’armée et chaque recrue, comprenant une amnistie définitive, quels que soient les actes commis par le passé,
  • il faudra se mettre d’accord sur la composition des nouvelles unités ukrainiennes et leur commandement
  • Le commandement ukrainien restera-t-il à distance ou sera-t-il lui aussi sur place dans la bande de 10 à 15 kms ?
  • Y a-t-il quelques officiers ukrainiens qui seront choisis dans les unités combattantes réincorporées ?
  • … et beaucoup d’autres points de détail qui vont compter et dont nous n’avons pas idée

Bien sûr ces négociations entre l’armée ukrainienne, les combattants et l’administration vont se dérouler entre eux, le temps qu’il faut. La seule chose qu’il faudra fournir à un organisme extérieur comme l’OSCE est la liste de tous les combattants réincorporés pour pouvoir les suivre régulièrement pour s’assurer qu’ils sont correctement traités.

Il faudrait simplement que les autorités ukrainiennes osent donner corps à ce scénario, ce qui suppose que quelqu’un leur propose ce scénario. Il est vraisemblable qu’ils n’en ont même pas eu l’idée. Il faut leur donner l’idée et les aider à construire ce scénario. Au printemps 2021, il n’est pas impossible que ce scénario puisse être appliqué, ce qui résoudrait un premier blocage issu des accords de Minsk2.

25 septembre 2020 mis à jour le 10 octobre 2020

Naej DRANER

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