Le cessez-le-feu négocié par Moscou n’a pas eu lieu. Pourquoi et que faut-il pour en avoir un ?
La négociation s’est déroulée à Moscou entre les 3 ministres des affaires étrangères. Si une “trêve humanitaire” a été obtenue après une négociation marathon de 10 heures, de l’aveu même du ministre russe des affaires étrangères Lavrov, aucune mesure de maintien et contrôle du cessez-le-feu n’a été négociée et mise en œuvre.
Il serait mieux que ce soit négocié directement avec les dirigeants de chaque pays ( quel que soit le moyen de négociation en présentiel ou à distance).
Une fois obtenu l’accord de principe, il faut :
- s’assurer que dans chaque camp un ordre de cessez-le-feu soit bien transmis. Cet ordre de cessez-le-feu doit être applicable pour l’heure négociée (par exemple 24 h plus tard). Avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu il faut arrêter les opérations en cours dès la réception de l’ordre de cessez-le-feu. Il faut que cet ordre indique que les premières 48 heures suivant le cessez-le-feu verront de nombreuses bavures dans chaque camp. Pour s’assurer que l’ordre de cessez-le-feu soit bien transmis il faut d’abord dire ce qu’on attend comme ordre de cessez-le-feu et vérifier quelques heures plus tard ce qui a été réellement fait
- Il faut un dispositif de contrôle et de maintien du cessez-le-feu. Le plus simple est d’avoir 2 équipes de 5 militaires d’un pays tiers qui sont envoyées dans chacun des pays belligérants et qui dès le début du cessez-le-feu sont présents et réunis avec le chef militaire de chaque camp , si possible au niveau état-major. Chaque équipe est reliée téléphoniquement avec l’autre équipe chez l’autre belligérant. Chaque camp doit remonter à chacune de ces équipes les bavures constatées et chaque équipe prévient l’équipe en face qui va vérifier avec les militaires et états-majors si les hiérarchies militaires probablement à l’origine des bavures ont bien été informées du cessez-le-feu. En intervenant à chaque bavure constatée, cela doit calmer le jeu progressivement
- Il faut voir ultérieurement s’il faut des observateurs sur le terrain ( cela peut aider) mais le cessez-le-feu doit pouvoir s’établir sans les observateurs: ce sont 2 hiérarchies militaires assez structurées pour réagir à des ordres. ( même s’il y a probablement quelques unités francs-tireurs ( du côté arménien autant que du côté azerbaïdjanais avec les milices venues de Syrie) on doit pouvoir les gérer assez rapidement.
Si le cessez-le-feu se met en place, il faut commencer ensuite les négociations au plus tard une semaine après le cessez-le-feu.
Attention d’avoir les bons interlocuteurs politiques et militaires de chaque côté. Il est possible qu’il y ait des état-majors à différents niveaux un peu déconnectés les uns des autres, en particulier du côté arménien, puisque théoriquement ce sont 2 entités différentes.
La difficulté des négociations est que c’est une situation imbriquée avec pour chaque pays un problème de continuité géographique entre des territoires du même pays ou entre communautés.
Le premier point qu’il faudra aborder est ce que l’Azerbaïdjan propose à la communauté arménienne sur son territoire ( il faut se souvenir que ce sont les restrictions imposées à la population arménienne, telles que l’impossibilité de mener l’éducation en arménien, qui a mis le feu aux poudres dans les années 80)
En parallèle, il faut que la communauté arménienne exprime le statut et la réalité qui serait acceptable au sein de l’Azerbaïdjan.
Le second point est le problème de la continuité territoriale:
- entre l’Arménie et le haut Karabakh
- entre les territoires de l’Azerbaïdjan
La continuité territoriale pourrait être simplement un moyen de communication réservé ( par exemple une ligne de chemin de fer et un autoroute).
Quand les 2 points trouveront une possible solution il faudra voir les autres points qui pourraient être soulevés.
Il est préférable que le dégrossissement de ces 2 points se fasse directement entre dirigeants pour avoir une base ultérieure de négociations détaillées et régulières.
Il est souhaitable que ce soient de nouvelles équipes de négociation qui s’en occupent et qu’elles ne fassent que cela durant 1 ou 2 mois.
Naej DRANER
15 Octobre 2020