Ukraine : Y a-t-il un après Cessez-le-feu ?


Le cessez-le-feu du 27 Juillet 2020 tient globalement. S’il y a eu l’une ou l’autre journée avec de nombreux incidents, il n’y a en général que quelques violations ou explosions tous les jours.

Quel est le dispositif réel sur le terrain qui permet de le maintenir ?

Nous n’avons pas d’informations précises. On sait que:

  • le SMM continue à faire ses observations et rapports: sont-ils encore + de 600 pour une dizaine de violations par jour ? Peut-être
  • le JCCC est supposé depuis cette date agir: ni les media ukrainiens, ni les rapports SMM ne donnent la moindre information concrète sur ce que fait le JCCC: il a toujours été opaque, et le SMM ne donne non plus aucune information sur l’organisation terrain et ce que fait le JCCC.

On ne sait pas de façon certaine si :

  • la préparation du cessez-le-feu (avant le 27 Juillet et dans les jours qui ont suivi) ont donné lieu à une communication spéciale sur le terrain auprès de tous les combattants. Certainement, puisque le cessez-le-feu a été respecté mais on ne sait pas comment cela a été fait, si cela a été interne à chaque hiérarchie ou fait par le JCCC ( probablement pas le SMM)
  • s’il y a eu une subdivision en sous-secteurs avec responsables pour maintenir un contact dans des zones géographiquement limitées
  • s’il y a vérification régulière sur le terrain par des équipes d’inspection ( avec officiers de liaison de chaque camp) ou un équivalent militaire JCCC
  • S’il y a des PCs opérationnels 24h/24h 7j/7j ( et combien)

Qu’est-ce qui n’a pas été fait et qu’il aurait fallu faire pour construire un « après »?

  • Rendre opérationnelles des patrouilles d’inspection, capables de lancer sur le terrain les actions correctives. Pour rappel, l’adjonction d’officiers de liaison à des patrouilles permet, lorsqu’on voit une infraction et des armements interdits de demander directement aux combattants en charge de ces armements d’évacuer les armements jusqu’à vérification de leur présence dans une aire de stockage avec participation active des officiers de liaison et/ou JCCC. Le SMM seul ne réussira jamais à les faire évacuer en se limitant à mettre les observations dans un rapport: lorsque le rapport est lu, les hiérarchies de chaque camp sont incapables de les localiser. Le passage d’un mode SMM passif à un mode inspection actif n’est toujours pas acté ou simplement admis par le SMM et le JCCC
  • Prévoir de remplacer progressivement tous les combattants de la zone de sécurité par de nouvelles forces de sécurité formées à partir des combattants de chaque bord. C’est une illusion de croire qu’on puisse désarmer sans remplacer par des forces de sécurité. C’est aussi une illusion de croire que la soixantaine d’officiers du JCCC va pouvoir faire office de forces de sécurité pour l’ensemble de la zone de sécurité, si on finissait pas faire un désengagement global sur toute la zone de sécurité, en le faisant sous-secteur par sous-secteur
  • Commencer à lever les ambiguïtés des accords de Minsk et commencer à partager une vision future. Au lieu de cela, chacun campe sur ses malentendus et accélère son contrôle sur place en espérant qu’une situation de fait accompli soit suffisante pour ne pas revenir en arrière

Électroencéphalogramme plat à tous les étages

Que ce soit dans les instances officielles (dirigeants du quatuor – à savoir France Allemagne Russie et Ukraine – en charge du processus négocié Minsk 2) ou ailleurs, il ne se passe rien. Mis à part envisager quelques nouvelles ouvertures de passage sur la ligne de contact ou tenter de forcer la main en officialisant des élections « à la Russe ou à la Biélorusse », je ne suis pas au courant du moindre projet.

C’est le calme plat. Il est possible que les dirigeants européens n’aient même pas réalisé que 5 ans et demi après les accords de Minsk 2, le premier point des accords de Minsk 2 a enfin été à peu près appliqué, aucun des autres points n’ayant eu une application suffisamment complète pour pouvoir dire qu’il a été appliqué.

Cela leur suffit-il ? Apparemment oui. Profil bas et évacuation de tout ce qui dérange à commencer par ce qui aurait permis d’aboutir à un cessez-le-feu qui tienne qui est, bien entendu, la seule œuvre du quatuor Normandie, du TCG et du JCCC.

Tout va bien. La suppression de tous les symboles ukrainiens ( contraire aux accords de Minsk 2) dans les territoires séparatistes continue, sans la moindre réaction. Voir ici

Alors, quel avenir ?

Le plus vraisemblable est que la réalité du cessez-le-feu permette de geler le conflit ukrainien, comme c’est souvent le cas pour les conflits gérés par l’OSCE. Et puis plus tard, dans 20 ou 25 ans, le conflit se réveillera, comme le dernier réveil entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan après un long gel depuis 1994. D’ici là, Minsk 2 ne sera qu’un souvenir et personne n’aura alors d’état d’âme à remettre à plat des accords et processus qui n’ont pas abouti.

Naej DRANER

9 Octobre 2020 mis à jour le 10 octobre 2020

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