Ukraine semaine 39 : statistiques jusqu’au 22-09-2017

“Montres-moi ce que tu comptes, je te dirai ce que tu es et ce que tu veux”

C’est ainsi que pourraient parler des personnes avec une bonne culture de la mesure. Ce n’est pas le cas de la plupart des acteurs du management du conflit ukrainien. Ils sont dans le “paraître” plus que dans la réalité objective et mesurable. Les nombres disponibles ne sont synthétisés par aucun des acteurs officiels, ou du moins aucune statistique crédible n’est disponible au niveau des media. Ceci est révélateur de l’absence à tout niveau d’un pilotage réel. Les acteurs sont dans la “réaction” et l’agitation médiatique, pas dans un pilotage qui aboutirait à en maitriser les composantes.

Pour la réflexion  statistique 2 graphiques sont présentés ici:

Le premier est celui du nombre d’attaques journalier communiqué par l’armée Ukrainienne par rapport au nombre d’explosions global fourni par l’OSCE .

Le second est celui du nombre de violations du cessez-le-feu  journalières par rapport au nombre d’explosions journalières.

statistiques conflit ukrainien jusqu’au 22 septembre 2017

Dans les graphiques, l’échelle de la première série est à gauche et l’échelle de la seconde série est à droite. L’échelle  de gauche n’est applicable qu’au Nombre d’explosions. Pour l’autre courbe il faut aller chercher l’échelle à droite du graphique.

Analyse du graphique “Attaques (UA) et Nbre d’Explosions

Ce qui a conduit à ce graphique est le constat que les données de l’Armée Ukrainienne et l’OSCE ne paraissent pas cohérentes pour avoir une idée du niveau de violence.

Ce graphique confirme effectivement l’incohérence: un nombre relativement élevé d’attaques ne signifie pas que la veille a été très agitée. Par contre, les nombres relativement bas sont souvent ( mais pas toujours) confirmés par un niveau bas OSCE.

La principale conclusion est que le nombre d’attaques donné par l’Armée Ukrainienne ne donne pas d’information pertinente sur le niveau de violence de la veille. Et comme l’OSCE donne ses données avec retard et sans traitement préalable, il faut attendre 24 à 48 heures pour avoir une petite idée du niveau de violence.

 

Analyse du graphiques “OSCE Nombre de violations et Nombre d’explosions”

Le but de ce graphique est de voir ce qui est le plus significatif: nombre de violations ou nombres d’explosions.

La définition qui a été prise ici  est qu’une ligne de l’annexe du rapport SMM est une violation de cessez-le-feu.

Le nombre d’explosions se limite à de l’artillerie ou des tirs de véhicules blindés ou chars et ne rend pas compte des violations à l’arme légère ou autre.

Le nombre de violations prend en compte tous les types d’armements.

C’est le nombre de violations du cessez-le-feu qui paraît le plus pertinent et le plus intéressant à exploiter, mais les deux mesures sont globalement cohérentes

Les actions de l’OSCE se sont focalisées sur l’interdiction des armements les plus destructeurs ( Artillerie, chars, etc). Il semble que leur influence sur le terrain tend à accorder de l’importance aux explosions ( armements les plus destructeurs) mais pas le reste.  Il peut y avoir des jours avec très peu d’explosions (depuis le 25 août 3 jours ont eu moins de 10 explosions) mais il est très rare qu’il y ait moins de 30 violations.

Depuis le 25 août les variations journalières du nombre de violations du cessez-le-feu restent importantes (elles peuvent être multipliées  ou divisées par  4 ou 5 en 1 ou 2 jours ; c’est à dire une augmentation de 400 ou 500%, ou une diminution de 75 ou 80% en moins de 48 heures)

Ce graphique donne l’impression que les acteurs ne cherchent pas à aboutir à un cessez-le-feu mais simplement à une réduction du nombre d’explosions, ce qui explique probablement qu’un cessez-le-feu réel paraisse inatteignable, puisqu’il ne semble même pas être un véritable but. L’objectif  apparent semble se limiter à une réduction apparente des explosions.

Les quelques jours où il y a peu d’explosions donnent l’impression que de temps à autre il y aurait un rappel vers les belligérants et dès que le niveau a baissé il n’y a plus d’action. C’est un système qui reste essentiellement passif et qui n’est toujours pas organisé pour traiter au jour le jour les incidents dans des espaces géographiques réduits et maitrisés (c’est assez facile de venir à bout de tous les incidents dans un espace réduit de 100km² quand il y a des équipes dédiées qui se montrent présentes jour et nuit. C’est quasi impossible si on le fait  sur toute la ligne de contact, pour la bonne raison que le responsable ne sait pas sur un tel territoire faire le lien avec les commandos locaux alors que dans un espace réduit, en quelques jours, il sait à qui s’adresser: c’est comme cela depuis le début de la mission SMM)

Le jour où il y aura moins de 10 violations par jour pendant plus d’une semaine, ce jour-là signifiera qu’il y a un petit espoir qu’un véritable cessez-le-feu s’instaure enfin.

Les données utilisées

Dans la culture de la mesure on vérifie les données disponibles afin de s’assurer de leur pertinence.

Données communiquées par l’Armée ukrainienne ( disponibles en anglais sur plusieurs media ukrainiens accessibles sur internet. Ex: UNIAN News, Kyivpost …)

Tous les jours, un communiqué de l’Armée Ukrainienne indique pour la veille:

  • le nombre d’attaques  contre l’armée ukrainienne
  • le nombre de blessés (WIA)
  • le nombre de tués (KIA)

Le nombre d’attaques est simple à utiliser. C’est pour cela qu’en 2016 il a été utilisé pour suivre le niveau de violences. Il paraissait globalement cohérent avec le niveau de violence indiqué par l’OSCE. De plus il a l’avantage d’être communiqué tous les jours dans la matinée, permettant d’espérer en faire un instrument de pilotage. Le premier graphique essaie de confirmer ou infirmer si le nombre d’attaques est significatif du niveau de violence en faisant la relation avec les données fournies par l’OSCE.

Pour le nombre de blessés et tués il n’est pas possible de les utiliser journalièrement (trop peu de blessés ou tués pour en faire le moindre graphique significatif). Cependant, cette indication donne un niveau qualitatif intéressant du niveau de violence. Il est intéressant d’en avoir connaissance sans pouvoir l’intégrer dans des mesures journalières significatives.

Données OSCE SMM

Ces données sont disponibles le soir en semaine du lundi  au samedi ( uniquement pour les jours non fériés), à une heure variable entre 18h et 21h.

Un rapport est fait sur les données disponibles la veille au soir vers 19h 30.

Les données sont donc disponibles avec 24 à 48 h ( pour les données du samedi) de retard.

Les données disponibles sont détaillées mais limitées à ce que voient les observateurs eux-mêmes. Comme nous ne savons pas le nombre de points d’observation ou de patrouilles pour chaque jour, nous ne savons pas s’il y a des variations dues au management des observateurs. On suppose qu’elles sont minimes.

Les données ne couvrent pas une journée complète, mais cela donne une bonne idée.

Au rapport est joint une table annexe qui indique toutes les violations recensées et leur type.

Nulle part dans les documents de l’OSCE disponibles ne sont détaillés ce qu’est une violation du cessez-le-feu. La définition qui a été prise pour ces graphiques est une ligne de la table annexe = une violation. Il est certain que ce n’est pas la définition OSCE qui doit être implicite dans leur tête mais n’est jamais explicite. Comme ils ne donnent jamais le nombre de violations par jour mais  disent simplement qu’il y en a plus ou moins que la veille, il n’y a pas de moyen de vérifier ou comprendre ce qu’ils nomment “violation de cessez-le-feu”. La définition de ce qu’est une violation de cessez-le-feu semble être faite pour les minimiser. On n’avance pas dans une direction en se voilant la face sur la situation réelle. Cela conforte cette impression d’opacité des intervenants OSCE et difficulté à utiliser leurs données qui sont brutes et incomplètes, comme s’ils se prétendaient les seuls à juger de ces sujets. Il va falloir qu’ils s’y fassent:  il n’y a pas que des acteurs OSCE qui s’y  intéressent et ont des connaissances dignes d’intérêt sur ces sujets.

Pour ces statistiques, une ligne différente dans la table annexe est considérée comme une violation de cessez-le-feu. Pour les types d’incident, seul le nombre d’explosions est pris en compte, quelle que soit l’explosion.

On aurait pu imaginer que ceux qui font le rapport utilisent Excel et sortent ainsi automatiquement des nombres réutilisables. Ce n’est pas le cas à ce jour.

25 septembre 2017

PS: la semaine dernière un responsable OSCE a indiqué que le nombre de violations du cessez-le-feu avait diminué de 10% en une semaine. Si vous avez vu les graphiques, le nombre de violations peut être multiplié par 4 ou 5 en un ou deux jours et aussi être divisé par 4 ou 5 en moins d’une semaine, ce qui représente une diminution possible de 75 à 80% ou une multiplication de 400 à 500%. Dans ce contexte, 10% est-il significatif ? Vous trouverez la réponse à la question si vous avez un peu de bon sens.

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