Archives de catégorie : Notes d’actualité

pour y décrire les réactions au fil de l’actualité

Haut-Karakakh: un règlement « à la russe »

Le 9 Novembre a été annoncé un accord entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Il doit permettre dans un premier temps un cessez-le-feu.

Ce règlement « à la russe » est similaire à ce qui se passait du temps de l’URSS: un coup de menton, un coup de gueule appuyé de quelques militaires et on espère que tout le monde se taise et l’accepte. C’est ainsi que la plupart des conflits étaient refoulés du temps de l’URSS et ne s’exprimaient pas. Ils sont tous réapparus au moment et après la désintégration de l’URSS.

C’est une bonne nouvelle qu’il puisse y avoir un arrêt effectif des combats, ce que nous pourrons confirmer dans quelques jours. Ce ne sont pas les quelques soldats russes sur place qui suffiront à maintenir ce cessez-le-feu mais la persuasion et détermination répétées auprès des 2 camps.

Est-ce un règlement ? Non, c’est juste un retour progressif à la situation antérieure à 1988, avec les mêmes causes qui ont conduit les arméniens à demander leur indépendance. La privation des arméniens de leurs droits culturels, dans leur langue, leur culture, leur éducation comme l’Azerbaïdjan le faisait avant 1988 pourrait reproduire les mêmes effets.

L’Azerbaïdjan fête sa victoire mais risque de faire la même erreur que l’Arménie et le Haut-Karabakh en 1994. Pendant 26 ans, ils ont profité de leur supériorité militaire pour refuser toute négociation sérieuse. L’Azerbaïdjan se prépare à faire la même erreur.

Nous n’avons pas encore beaucoup de détail sur le règlement. Il n’est qu’une situation temporaire, comme une trêve d’un conflit qui est prêt à rebondir, que ce soit demain, après-demain ou dans 20 ans.

Il y a des zones d’ombre comme la demande de la Turquie d’être observateur et partie prenante à la force de paix. Comment un pays, qui a envoyé les miliciens syriens les plus cruels ( même si ce pays le dément) et fourni tout le soutien militaire pour aboutir à une victoire, peut-il se déclarer neutre ? C’est un allié d’un des pays en guerre, pas un pays neutre et objectif.

Ce règlement « à la russe » est une bonne chose et d’ailleurs il n’y avait probablement pas d’autre solution à court terme pour éviter un bain de sang qui aurait été un nouveau génocide. L’Europe reste inexistante en dehors d’elle-même, les États-Unis ressassent leur victoire et défaite présidentielle et les organismes supposés régler les conflits sur le continent européen comme l’OSCE en sont incapables.

Mais la Russie de Poutine est à l’aise quand elle impose un règlement par la force mais mal à l’aise quand il s’agit de trouver un nouvel équilibre politique qui ait du sens. Il faut aujourd’hui de l’autorité pour imposer un cessez-le-feu et le faire tenir. Il faudra demain autre chose pour dépasser ce conflit dont les racines remontent à plus d’un siècle et dont les soubresauts depuis 1988 ont été sanglants.

Espérons que redémarre une négociation un peu plus sérieuse que celle qui était en cours depuis 1994. Il faudra autre chose qu’une simple posture et un bout de papier pour qu’il en naisse un règlement qui soit un véritable équilibre.

11 Novembre 2020

Ukraine : statistiques Octobre sur cessez-le-feu

Les informations statistiques présentées ici ont été calculées à partir des informations disponibles dans les rapports journaliers du SMM.

Depuis le 27 Juillet, il y a un cessez-le-feu qui est entré en vigueur. C’est le premier cessez-le-feu depuis 2014 qui ressemble à quelque chose.

Les statistiques disponibles montrent donc qu’il y a eu progrès dans le respect du cessez-le-feu mais que ce n’est toujours pas un cessez-le-feu complet.

Rappel des raisons pour lesquelles les cessez-le-feu ne tenaient pas

Pour mémoire, Naej DRANER a écrit en 2017 et 2020 deux documents sur les raisons pour lesquelles le cessez-le-feu ne tenait pas.

75% de ces raisons ont été prises en compte lors du cessez-le-feu du 27 Juillet 2020.

Officiellement, il n’y a aucun lien de cause à effet entre ces deux textes de N.D. et le cessez-le-feu du 27 Juillet 2020. En pratique, les 25% qui manquent expliquent en grande partie le fait que le cessez-le-feu reste partiel.

Les acteurs viennent de tellement loin qu’ils sont satisfaits de ce progrès, et ne montrent aucun empressement à aller au-delà. Ils reviennent à leurs petites habitudes d’avant le cessez-le-feu et envisagent de nouvelles zones de désengagement qui ne règleront pas le problème pas plus qu’il n’a permis dans les années précédentes d’aboutir à un cessez-le-feu crédible.

Un cessez-le-feu partiel : en Octobre environ 496 violations et 302 explosions.

Parmi ces violations et explosions à peu près 90% concernent le secteur de Donetsk et 10% concernent le secteur de Luhansk.

Est-il possible d’aboutir à un cessez-le-feu total ?

Oui mais en mettant en œuvre une partie de ce qui n’a pas été mis en œuvre et en donnant une perspective future à la zone de sécurité (ce qui rejoint la levée des ambiguïtés des accords de Minsk qui correspond à ce qui n’a pas été fait avant le cessez-le-feu du 27 Juillet 2020)

Le principal élément non mis en œuvre pour améliorer la tenue du cessez-le-feu est le fait qu’il n’y a toujours pas d’organisme intégré SMM et JCCC, qui pourrait s’appeler SMCC

En chargeant le JCCC de contrôler le cessez-le-feu dans la décision du 22 Juillet 2020, ce fut un progrès par rapport la passivité du système précédent qui n’intervenait pas en cas de violations, mais c’est insuffisant et touche les limites de l’organisation du JCCC qui n’est que de quelques dizaines d’officiers et ne pourra jamais assumer seul la sécurité de l’ensemble de la zone de sécurité.

Pour avancer et transformer l’embryon de cessez-le-feu il faudrait:

  • créer le SMCC intégrant une partie du SMM et du JCCC
  • Accepter que le SMCC prenne les décisions de sécurité nécessaires sans attendre d’éventuelles réunions du Trilateral Contact Group. Tout système de sécurité doit pouvoir prendre des décisions en fonction de l’évolution de la situation et dans le cadre de sa mission
  • définir et former des forces de sécurité en charge de l’ensemble de la zone de sécurité ( et non pas uniquement de quelques zones de désengagement: c’est un désengagement global de l’ensemble de la zone de sécurité qu’il faut définir et mettre en oeuvre, ce qui n’est pas possible avec les seules ressources JCCC)
  • trouver une occupation pour les miliciens désœuvrés (il y a suffisamment de choses à déblayer et reconstruire pour que ce soit possible)

9 Novembre 2020

Textes de référence:

ND201707003 Cessez-le-feu Ukraine – mise à jour – 2020-09-23
ND201709001 Système de controle de cessez-le-feu actif – maj – 2020-09-14
ND202004001-6a Variante de ND201707003 pour les autorités ukrainiennes-référence
2020-10-28 Analyse Rapport SMM

Pour en savoir plus:

Haut-Karabakh: Un cessez-le négocié ou imposé après une victoire militaire ?

Un jour ou l’autre les combats vont s’arrêter au Haut-Karabakh. Ce sera soit un cessez-le-feu négocié ouvrant des négociations vers l’espoir d’un règlement soit une victoire militaire de l’Azerbaidjan qui avance à grands pas.

Tout a été dit depuis longtemps sur ce conflit du Haut Karabakh. Par exemple, L’Harmattan a publié en 2011 un livre de Fazil Zeynalov, intitulé « Une paix juste ou une guerre inévitable« . Parce que l’azerbaidjan est son pays où il est universitaire, l’auteur y biaise un peu une solution, mais tous les arguments de chaque camp y sont présentés: le livre reste malgré tout objectif pour comprendre ce conflit.

Les faits donnent raison à l’auteur. Il fallait une paix juste pour éviter une guerre évitable. Maintenant que la guerre est là , le temps presse. D’ici quelques semaines, il y aura une victoire militaire s’il n’y a pas eu avant un cessez-le-feu qui tienne.

Le Groupe de Minsk, en charge de la négociation au sein de l’OSCE, a beau être présidé par les Etats-Unis, la Russie et la France, ces 3 pays ont montré leur impuissance sur ce sujet. Depuis le 27 septembre, il n’y a pas eu un cessez-le-feu qui commence à tenir.

Savent-ils et peuvent-ils obtenir un cessez-le-feu?

Pourraient-ils en obtenir un s’ils étaient déterminés et décidés à mener des négociations aux forceps? Visiblement ils ont du mal et personne n’osera lancer une négociation en parallèle et en substitut de celle de ces 3 pays.

Alors ?

Pour commencer, il faudrait trouver un ou 2 dirigeants décidés chacun à intervenir auprès de l’un des dirigeants de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan et définir avec eux les étapes successives à franchir pour avoir un espoir d’aboutir.

Et ensuite ? Il faudra voir en fonction de l’urgence qu’ils veulent y mettre.

Naej DRANER

8 Novembre 2020

Suffit-il d’être une grande puissance pour obtenir un cessez-le-feu ?

La guerre du Haut Karabakh, commencée le 27 septembre 2020, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan vient de connaître sa troisième tentative de cessez-le-feu et un nouvel échec de cessez-le-feu.

Le premier cessez-le-feu a été négocié par Moscou et son ministre des affaires étrangères qui a convoqué ses pairs à Moscou. Après de longs pourparlers ( plus de 10 heures), un cessez-le-feu a été annoncé. Ils n’avaient pas eu le temps de définir un moyen de contrôle de cessez-le-feu ni de préciser la suite. Il n’a pas tenu

Le second cessez-le-feu a été annoncé de Paris. Les ministres des affaires étrangères des co-présidents du Groupe de Minsk en charge de la négociation Arménie-Azerbaïdjan (USA, Russie, France) se sont réunis et ont annoncé un cessez-le-feu. IL n’a pas tenu.

Le troisième cessez-le-feu a été annoncé de Washington par les Etats-Unis d’Amérique et son secrétaire d’Etat Mike Pompeo. Le 26 octobre, chaque camp a accusé l’autre camp d’avoir violé le cessez-le-feu.

Ces 3 tentatives ont été faites par 3 grandes puissances, isolément ou en commun: Etats-Unis, Russie, France.

S’il suffisait d’être une grande puissance pour obtenir un cessez-le-feu, il y aurait du y avoir un cessez-le-feu.

Alors, pourquoi ne peuvent-ils pas réussir à obtenir un cessez-le-feu ? Sont-ils incompétents ?

Y a-t-il un savoir permettant d’aboutir à un cessez-le-feu ? A ma connaissance aucun qui soit reconnu de façon internationale. Il y a des études sur les cessez-le-feu. Il y a des cours à l’ONU pour ceux qui vont faire des missions de paix, mais nul ne se soucie de savoir si les principes proposés sont vérifiés par les faits et des cessez-le-feu qui tiennent réellement.

Il y a différentes personnes qui ont des « recettes » devant permettre d’aboutir à un cessez-le-feu. Et si une personne indiquait ce qu’il faudrait faire et que c’est réellement fait, il est impossible de savoir ce qui a été appliqué ou non. Alors, si cette personne a réellement eu une influence sur un cessez-le-feu qui a réussi, à la prochaine guerre, il risque de dire que ce n’est pas la peine de tenter un cessez-le-feu si personne n’accepte de faire le point sur ce qui a été fait.

Alors ? Il y a des tentatives de 3 grandes puissances et rien d’autre: cela ne dérange personne qu’elles soient incapables d’aboutir à un cessez-le-feu. Cela ne dérange pas plus ceux qui auraient fait des études sur le sujet: à quoi bon si on est incapable de simplement faire le point sur ce qui a été réellement tenté. Personne ne veut faire le point ? Qu’ils se débrouillent seuls avec leur suffisance.

Naej DRANER

27 Octobre 2020

Y a-t-il un cycle de paix ?

Puisqu’il y a un « Cycle des Guerres« , y a-t-il un « Cycle de Paix » ?

Ce qui est appelé « Cycle des Guerres » a des périodes d’amplification suivies de périodes d’atténuation. Ces périodes d’atténuation pourraient être considérées comme le « Cycle de Paix », sauf que c’est difficilement démontrable. Cette absence de démonstration crédible pour un « Cycle de Paix » ferait que ce « Cycle de Paix » ne serait jamais reconnu et admis.

On aurait pu donner au « Cycle des Guerres » le nom « Cycle de Guerre et Paix ». Mais autant il est facile d’avoir quelques données statistiques à partir des dates de déclenchement des guerres, autant il n’y a pas de possibilité d’avoir des données statistiques crédibles à partir des seules initiatives de paix et de leur aboutissement.

Il a été constaté que les périodes d’atténuation sont des périodes plus propices à l’arrêt des guerres et à l’aboutissement des initiatives de paix.

Ainsi la période d’atténuation 2018-2022 a vu pour le moment:

  • fin de l’Etat islamique et de sa guerre
  • initiative de paix au Yemen avec négociations, cessez-le-feu, etc
  • la Guerre en Libye connaît en 2020 des développements positifs : négociation, cessez-le-feu
  • La guerre en Ukraine a vu, pour la première fois depuis 2014, un cessez-le-feu qui ressemble à un cessez-le-feu
  • Les accords historiques entre Israël et les EAU et Bahrein sont une autre manifestation

Il y a des conflits sur lesquels cette tendance à la paix ou à un accord est visible et connue.
Dans le « contexte du conflit israélo-arabe« , c’est visible et prévu pour cette période actuelle.

Mais ce n’est pas systématique comme avec les guerres.

Que ce soit dans le conflit israélo-arabe ou en Europe, il y a pratiquement au moins une guerre à chaque période d’amplification, mais nous ne pouvons pas dire qu’il y ait une initiative de paix qui aboutisse à chaque période d’atténuation.

De plus le cheminement qui conduit à la guerre est généralement rapide, donnant une date qui a un sens. Dans le cas de la paix, c’est plus tortueux et le passage à l’acte n’est pas immédiat et les dates qui en résultent ont peu de sens d’un point de vue statistique ( en plus il y a trop peu de données.

Conclusion:
Au sens strict, il n’y a pas de « Cycle de Paix » comme il y a un « Cycle de Guerre », mais il y a des tendances à ce que les guerres s’arrêtent durant les périodes d’atténuation. Il y a aussi des initiatives de paix qui aboutissent. La plupart des accords de paix dans le conflit israélo-arabe sont durant les périodes d’atténuation, mais ces mêmes accords de paix peuvent être mis en cause lors des périodes d’amplification qui suivent. Si l’accord négocié n’est pas suffisamment solide, il peut voler en éclats dès que les tensions reviennent.

D’un point de vue « prévision », il est intégré que les périodes d’atténuation peuvent donner lieu à des accords de paix, mais on ne l’utilise pas pour faire des prévisions comme on le fait avec des guerres. On prévoit des tendances, mais on ne les transforme pas en fait prévisible.

Le 24 octobre 2020

Ukraine : le Cessez-le-feu reste fragile

Le rapport SMM publié le 16 octobre 2020 fait état de 63 violations. 60 dans le secteur de Donetsk et 3 dans le secteur de Luhansk. Tous sont sur des lieux de tensions habituels.

Pourquoi ?

On retrouve les causes déjà identifiées dans ND2017007003 et non prises en compte en Juillet 2020:

  • pas d’avenir partagé exprimé en levant les ambiguités de Minsk2
  • Pas d’organisme intégré JCCC et SMM qu’on aurait pu appeler SMCC

Pas de coordination institutionnalisée par sous-secteur. Le JCCC est probablement revenu à une organisation avec un seul PC opérationnel pour tous les secteurs, sans tenter de faire évoluer des sous-secteurs qui ont probablement disparu de l’organisation si jamais ils ont existé.

La dynamique prévue a été cassée, volontairement ou par ignorance, par les acteurs officiels.

Et comme personne n’est décidé à clarifier ce qui avait permis d’aboutir à un cessez-le-feu crédible, le cessez-le-feu glisse lentement vers un conflit de basse intensité avec une remontée des violations. Il y a de moins en moins de journées sans violation. Les explications officielles poussent tous les acteurs à une passivité encore plus grande, puisque les responsables officiels ne sont peut-être pas ceux qui ont la compétence et qui avaient poussé à un cessez-le-feu crédible. L’autosatisfaction des acteurs officiels fait disparaitre progressivement ce qui était nécessaire pour aboutir à un cessez-le-feu et le maintenir.

Ni les responsables JCCC ni les responsables SMM n’ont une idée claire de ce qui est indispensable dans la phase actuelle.

  • Le SMM continue ses activités comme si de rien n’était: ses rapports actuels montrent qu’il est resté dans son fonctionnement sur un mode passif qui tire tout le monde vers le bas.
  • Le JCCC, opaque comme à son habitude, semble faire comme si il est le seul responsable du système terrain, sans en avoir compris ni les fondements ni les évolutions nécessaires à court et moyen terme.
  • Les autres acteurs officiels sont satisfaits d’avoir engrangé les bénéfices du cessez-le-feu du 27 Juillet 2020 mais probablement n’ont rien compris et ne montreront aucun enthousiasme à mettre en avant une explication qui minimiserait leur rôle réel et leur compétence à maintenir un cessez-le-feu et avancer vers la voie d’un règlement. Ils sont dans la posture, pas dans l’action .. et peut-être aussi préoccupés par d’autres sujets comme le COVID qui prennent une bonne partie de leur énergie.

Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Il y en avait peut-être un, mais il a été viré dans l’indifférence générale.

A suivre

17 octobre 2020

Pour en savoir plus:

Haut-Karabakh: quel Cessez-le-feu ?

Le cessez-le-feu négocié par Moscou n’a pas eu lieu. Pourquoi et que faut-il pour en avoir un ?

La négociation s’est déroulée à Moscou entre les 3 ministres des affaires étrangères. Si une « trêve humanitaire » a été obtenue après une négociation marathon de 10 heures, de l’aveu même du ministre russe des affaires étrangères Lavrov, aucune mesure de maintien et contrôle du cessez-le-feu n’a été négociée et mise en œuvre.

Il serait mieux que ce soit négocié directement avec les dirigeants de chaque pays ( quel que soit le moyen de négociation en présentiel ou à distance).

Une fois obtenu l’accord de principe, il faut :

  • s’assurer que dans chaque camp un ordre de cessez-le-feu soit bien transmis. Cet ordre de cessez-le-feu doit être applicable pour l’heure négociée (par exemple 24 h plus tard). Avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu il faut arrêter les opérations en cours dès la réception de l’ordre de cessez-le-feu. Il faut que cet ordre indique que les premières 48 heures suivant le cessez-le-feu verront de nombreuses bavures dans chaque camp. Pour s’assurer que l’ordre de cessez-le-feu soit bien transmis il faut d’abord dire ce qu’on attend comme ordre de cessez-le-feu et vérifier quelques heures plus tard ce qui a été réellement fait
  • Il faut un dispositif de contrôle et de maintien du cessez-le-feu. Le plus simple est d’avoir 2 équipes de 5 militaires d’un pays tiers qui sont envoyées dans chacun des pays belligérants et qui dès le début du cessez-le-feu sont présents et réunis avec le chef militaire de chaque camp , si possible au niveau état-major. Chaque équipe est reliée téléphoniquement avec l’autre équipe chez l’autre belligérant. Chaque camp doit remonter à chacune de ces équipes les bavures constatées et chaque équipe prévient l’équipe en face qui va vérifier avec les militaires et états-majors si les hiérarchies militaires probablement à l’origine des bavures ont bien été informées du cessez-le-feu. En intervenant à chaque bavure constatée, cela doit calmer le jeu progressivement
  • Il faut voir ultérieurement s’il faut des observateurs sur le terrain ( cela peut aider) mais le cessez-le-feu doit pouvoir s’établir sans les observateurs: ce sont 2 hiérarchies militaires assez structurées pour réagir à des ordres. ( même s’il y a probablement quelques unités francs-tireurs ( du côté arménien autant que du côté azerbaïdjanais avec les milices venues de Syrie) on doit pouvoir les gérer assez rapidement.

Si le cessez-le-feu se met en place, il faut commencer ensuite les négociations au plus tard une semaine après le cessez-le-feu.

Attention d’avoir les bons interlocuteurs politiques et militaires de chaque côté. Il est possible qu’il y ait des état-majors à différents niveaux un peu déconnectés les uns des autres, en particulier du côté arménien, puisque théoriquement ce sont 2 entités différentes.

La difficulté des négociations est que c’est une situation imbriquée avec pour chaque pays un problème de continuité géographique entre des territoires du même pays ou entre communautés.

Le premier point qu’il faudra aborder est ce que l’Azerbaïdjan propose à la communauté arménienne sur son territoire ( il faut se souvenir que ce sont les restrictions imposées à la population arménienne, telles que l’impossibilité de mener l’éducation en arménien, qui a mis le feu aux poudres dans les années 80)

En parallèle, il faut que la communauté arménienne exprime le statut et la réalité qui serait acceptable au sein de l’Azerbaïdjan.

Le second point est le problème de la continuité territoriale:

  • entre l’Arménie et le haut Karabakh
  • entre les territoires de l’Azerbaïdjan

La continuité territoriale pourrait être simplement un moyen de communication réservé ( par exemple une ligne de chemin de fer et un autoroute).

Quand les 2 points trouveront une possible solution il faudra voir les autres points qui pourraient être soulevés.

Il est préférable que le dégrossissement de ces 2 points se fasse directement entre dirigeants pour avoir une base ultérieure de négociations détaillées et régulières.

Il est souhaitable que ce soient de nouvelles équipes de négociation qui s’en occupent et qu’elles ne fassent que cela durant 1 ou 2 mois.

Naej DRANER

15 Octobre 2020

Ukraine : Y a-t-il un après Cessez-le-feu ?

Le cessez-le-feu du 27 Juillet 2020 tient globalement. S’il y a eu l’une ou l’autre journée avec de nombreux incidents, il n’y a en général que quelques violations ou explosions tous les jours.

Quel est le dispositif réel sur le terrain qui permet de le maintenir ?

Nous n’avons pas d’informations précises. On sait que:

  • le SMM continue à faire ses observations et rapports: sont-ils encore + de 600 pour une dizaine de violations par jour ? Peut-être
  • le JCCC est supposé depuis cette date agir: ni les media ukrainiens, ni les rapports SMM ne donnent la moindre information concrète sur ce que fait le JCCC: il a toujours été opaque, et le SMM ne donne non plus aucune information sur l’organisation terrain et ce que fait le JCCC.

On ne sait pas de façon certaine si :

  • la préparation du cessez-le-feu (avant le 27 Juillet et dans les jours qui ont suivi) ont donné lieu à une communication spéciale sur le terrain auprès de tous les combattants. Certainement, puisque le cessez-le-feu a été respecté mais on ne sait pas comment cela a été fait, si cela a été interne à chaque hiérarchie ou fait par le JCCC ( probablement pas le SMM)
  • s’il y a eu une subdivision en sous-secteurs avec responsables pour maintenir un contact dans des zones géographiquement limitées
  • s’il y a vérification régulière sur le terrain par des équipes d’inspection ( avec officiers de liaison de chaque camp) ou un équivalent militaire JCCC
  • S’il y a des PCs opérationnels 24h/24h 7j/7j ( et combien)

Qu’est-ce qui n’a pas été fait et qu’il aurait fallu faire pour construire un « après »?

  • Rendre opérationnelles des patrouilles d’inspection, capables de lancer sur le terrain les actions correctives. Pour rappel, l’adjonction d’officiers de liaison à des patrouilles permet, lorsqu’on voit une infraction et des armements interdits de demander directement aux combattants en charge de ces armements d’évacuer les armements jusqu’à vérification de leur présence dans une aire de stockage avec participation active des officiers de liaison et/ou JCCC. Le SMM seul ne réussira jamais à les faire évacuer en se limitant à mettre les observations dans un rapport: lorsque le rapport est lu, les hiérarchies de chaque camp sont incapables de les localiser. Le passage d’un mode SMM passif à un mode inspection actif n’est toujours pas acté ou simplement admis par le SMM et le JCCC
  • Prévoir de remplacer progressivement tous les combattants de la zone de sécurité par de nouvelles forces de sécurité formées à partir des combattants de chaque bord. C’est une illusion de croire qu’on puisse désarmer sans remplacer par des forces de sécurité. C’est aussi une illusion de croire que la soixantaine d’officiers du JCCC va pouvoir faire office de forces de sécurité pour l’ensemble de la zone de sécurité, si on finissait pas faire un désengagement global sur toute la zone de sécurité, en le faisant sous-secteur par sous-secteur
  • Commencer à lever les ambiguïtés des accords de Minsk et commencer à partager une vision future. Au lieu de cela, chacun campe sur ses malentendus et accélère son contrôle sur place en espérant qu’une situation de fait accompli soit suffisante pour ne pas revenir en arrière

Électroencéphalogramme plat à tous les étages

Que ce soit dans les instances officielles (dirigeants du quatuor – à savoir France Allemagne Russie et Ukraine – en charge du processus négocié Minsk 2) ou ailleurs, il ne se passe rien. Mis à part envisager quelques nouvelles ouvertures de passage sur la ligne de contact ou tenter de forcer la main en officialisant des élections « à la Russe ou à la Biélorusse », je ne suis pas au courant du moindre projet.

C’est le calme plat. Il est possible que les dirigeants européens n’aient même pas réalisé que 5 ans et demi après les accords de Minsk 2, le premier point des accords de Minsk 2 a enfin été à peu près appliqué, aucun des autres points n’ayant eu une application suffisamment complète pour pouvoir dire qu’il a été appliqué.

Cela leur suffit-il ? Apparemment oui. Profil bas et évacuation de tout ce qui dérange à commencer par ce qui aurait permis d’aboutir à un cessez-le-feu qui tienne qui est, bien entendu, la seule œuvre du quatuor Normandie, du TCG et du JCCC.

Tout va bien. La suppression de tous les symboles ukrainiens ( contraire aux accords de Minsk 2) dans les territoires séparatistes continue, sans la moindre réaction. Voir ici

Alors, quel avenir ?

Le plus vraisemblable est que la réalité du cessez-le-feu permette de geler le conflit ukrainien, comme c’est souvent le cas pour les conflits gérés par l’OSCE. Et puis plus tard, dans 20 ou 25 ans, le conflit se réveillera, comme le dernier réveil entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan après un long gel depuis 1994. D’ici là, Minsk 2 ne sera qu’un souvenir et personne n’aura alors d’état d’âme à remettre à plat des accords et processus qui n’ont pas abouti.

Naej DRANER

9 Octobre 2020 mis à jour le 10 octobre 2020

Pour en savoir plus:

Un cessez-le-feu immédiat ?

Le 5 octobre, les ministres des affaires étrangères de la Russie et de France ainsi que le Secrétaire d’État des États-Unis ont annoncé un cessez-le-feu immédiat concernant la guerre du Haut-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, commencée le 27 septembre 2020.

Le même jour, après un entretien entre Poutine et le dirigeant arménien Pachinian, un porte-parole russe annonçait la demande d’un cessez-le-feu immédiat.

Est-ce une annonce d’une réalité à venir ou un simple souhait ? Une demande de cessez-le-feu immédiat ne se concrétise que rarement. S’il est immédiat, il est immédiatement violé parce que l’ordre de cessez-le-feu n’a pas eu le temps d’être transmis. Suivant les hiérarchies militaires les cessez-le-feu mettent entre 6 et 24 h à devenir réalité. C’est le temps de la transmission de l’ordre dans les hiérarchies.

Encore faudrait-il que les belligérants soient d’accord avec une telle demande et mettent une bonne volonté à le mettre en œuvre. Pour être d’accord, il faudrait une petite idée de ce qui va se passer ensuite. Il faudrait donc un cadre de négociation et une date d’ouverture des négociations. Si les négociations sont les mêmes que celles qui ont précédé ce nouveau round de violences, il est peu probable qu’ils soient d’accord.

Alors, quel est ce cadre et quelles instructions sont données de part et d’autre pour faire respecter ce cessez-le-feu?

Ils s’appuieront l’un et l’autre sur les violations de l’autre camp pour justifier leurs nouvelles opérations militaires.

Il y a une grande variété de situations qui peuvent aboutir à un cessez-le-feu, mais un simple communiqué de 3 ministres des Affaires étrangères n’a aucun effet, à moins qu’ils ne fassent une action autre que d’exprimer leur souhait d’un cessez-le-feu immédiat, ce qui ne semble pas le cas à ce stade.

6 Octobre 2020

Conflit Arménie-Azerbaidjan du Haut-Karabakh

Le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan se pose en des termes similaires depuis la création de l’URSS. Dès cette époque se posait la question du rattachement du Haut-Karabakh à l’Arménie ou non, avec les mêmes hésitations et les mêmes décisions. La première proposition dans les premières années de l’URSS fut de le rattacher à l’Arménie, pour tout de suite prendre la décision de le rattacher à l’Azerbaïdjan suite aux protestations de ce dernier. La loi du plus fort et du dernier coup de gueule a provoqué des évolutions successives sans n’y trouver aucun équilibre. Il existe un déséquilibre permanent qui prépare le prochain round de violence.

La gestion de la population arménienne du Haut-Karabakh ne pouvait que pousser cette population à sortir de l’Azerbaïdjan : refus d’éducation en arménien, interdiction des livres en arménien, etc.

Les territoires disjoints sont un problème permanent et le resteront ( partie azerbaïdjanaise sans voie de communication avec le reste du pays, idem entre la population arménienne et l’Arménie). Y trouver une solution durable demandera beaucoup d’énergie et restera une solution fragile pendant de nombreuses années.

Et pourtant il y a eu une période de coexistence assez longue de ces populations avant la création de l’URSS, mais dans un environnement qui a disparu depuis, à savoir l’empire ottoman.

Ce conflit est un concentré de problèmes classiques dans les pays issus de l’URSS. Si l’URSS a masqué pendant plusieurs dizaines d’années ces problèmes par le poids d’une autorité centrale forte, la désintégration de l’URSS a libéré les paroles et les esprits, amplifiant des problèmes existants depuis la création de l’URSS.

Ce conflit est aussi révélateur des organismes mis en place pour assurer la sécurité et régler ces problèmes. L’OSCE aide à geler ces conflits sans les régler. Nous pourrions en faire la liste. Chacun de des conflits a une forme de « comité de pays » qui sont supposés parrainer des négociations qui sont le plus souvent au point mort. Russie, USA et France sont les parrains du processus de négociation de ce conflit. Nous entendons des appels de la part de la France et la Russie. Les USA sont silencieux. On ne voit pas qui fait quoi et s’il y a vraiment un pilote.

A l’occasion d’une reprise de la guerre, une remise à plat de ce conflit et des moyens régionaux de régler ce type de conflit serait la bienvenue. Quelqu’un osera-t-il et pourra-t-il ?

Naej DRANER

5 octobre 2020